La responsabilité des constructeurs - Unlatch

La responsabilité des constructeurs

unlatch
Zannirah Randera
Juriste chez unlatch
12 novembre 2019
IMMOBILIER
La responsabilité des constructeurs - Unlatch

Suite à la construction d'un ouvrage, le constructeur peut être tenu responsable à l'égard du maître de l'ouvrage et ce, à travers trois garanties légales (la garantie de parfait achèvement, la garantie de bon fonctionnement et la garantie décennale). Sa responsabilité contractuelle de droit commun peut également être engagée.

La responsabilité des constructeurs englobe de nombreux concepts : réception des travaux, ouvrage, assurance … Êtes-vous certain d'être à jour concernant ces différentes notions ?

A travers cet article, Unlatch vous propose les clés nécessaires pour comprendre les éléments essentiels liés à la responsabilité des constructeurs.

La notion de l'ouvrage

Il est nécessaire de déterminer ce qu'est un ouvrage car il s'agit du concept central sur lequel reposent les garanties légales pesant sur le constructeur. Toutefois, aucune disposition légale ne définit cette notion.

Selon le dictionnaire Larousse, un ouvrage est le « produit du travail de l'artisan ou de l'artiste ».

Du fait des articles 1792 et suivants du Code civil, il semble incontestable d'assimiler un ouvrage au domaine de la construction de biens immobiliers.

En raison d'un flou juridique, de nombreuses décisions de justice se sont attelés à identifier ce qu'est un ouvrage. En effet, un large contentieux se dessine autour de cette notion.

Parmi les éléments caractérisant un ouvrage, se trouvent :

  • l'importance ou non des travaux de construction : plus les travaux effectués sont importants et conséquents, plus ils pourront s'apparenter à un ouvrage. Il peut en être de même pour des opérations qui affectent la structure d'un autre ouvrage.
  • la condition de l'immobilisation : il s'agit de vérifier si les travaux réalisés sont incorporés au sol ou à un autre bien immobilier. Dans ce cas, les travaux peuvent être considérés comme un ouvrage. En effet, si la construction réalisée dispose de fondations suffisantes ou si elle est définitivement assemblée à un autre bien immobilier, elle sera qualifiée d'ouvrage.
  • le critère de la construction : cela peut paraître évident mais un ouvrage doit nécessairement se référer à des travaux de construction. En outre, lorsqu'il s'agit de la construction totale d'un bâtiment, il s'agira effectivement d'un ouvrage. Cependant, la question peut se poser dans l'hypothèse d'opérations réalisées sur un ouvrage qui était déjà présent.

Le juge peut appliquer ces éléments cumulativement ou non. Les critères établis par la jurisprudence ne sont pas exhaustifs et peuvent s'appliquer pour une situation et pas obligatoirement pour une autre. La détermination d'un ouvrage se fait au cas par cas.

Les travaux de rénovation peuvent également entrer dans le champ d'application des garanties légales, s'ils sont considérés comme des ouvrages.

Par exemple, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé que l'installation d'un climatiseur « sous la forme d'une armoire verticale raccordée à des conduits et des réseaux d'air en tôle galvanisée placés entre deux sous-plafonds suspendus, […] ne relevait pas des travaux de bâtiment ou de génie civil », ce qui ne pouvait donc pas être assimilée à un ouvrage (C.cass., Civ. 3ème, n°02-12.215, 10 décembre 2003).

Au contraire, elle a considéré que l'installation d'une climatisation, en raison notamment de « son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière » était constitutive d'un ouvrage (C.cass., Civ. 3ème, n°07-20.891, 28 janvier 2009).

Les travaux de rénovation peuvent également entrer dans le champ d'application des garanties légales, s'ils sont considérés comme des ouvrages.

Par conséquent, il est difficile de déterminer précisément les caractéristiques permettant d'établir si les travaux réalisés correspondent ou non à un ouvrage au sens des articles 1792 et suivants du Code civil. Il paraît donc indispensable de se référer à la jurisprudence afin de s'assurer que les travaux opérés sont bien constitutifs d'un ouvrage.

Le maître de l'ouvrage 

Le maître de l'ouvrage correspond à « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction » (article L.242-1 du Code des assurances).

construction de logements unlatch

Le constructeur de l'ouvrage 

Il est également essentiel de caractériser quelle personne peut être considérée comme un constructeur.

L'article 1792-1 du Code civil précise qu'un constructeur de l'ouvrage peut être :

  • Un architecte, un entrepreneur, un technicien ou toute autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
  • Une personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou qu'elle a fait construire ;
  • Une personne qui accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage (entreprise qui réalise des travaux suite à la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage).

A titre informatif, l'article 1710 du Code civil définit le contrat de louage d'ouvrage comme « un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ». Ainsi, il s'agit du contrat liant le constructeur et le maître de l'ouvrage.

La responsabilité du constructeur 

Le constructeur est tenu d'une obligation de résultat à l'égard du maître de l'ouvrage (par exemple : C.cass., Civ. 3ème, n°14-17.198, 16 juin 2015). De ce fait, le constructeur doit parvenir au résultat déterminé dans le contrat. Dans le cas contraire, sa responsabilité pourra être automatiquement engagée.

Ainsi, afin d'éviter tout conflit, le constructeur doit être vigilant et bien respecter les obligations qui pèsent sur lui, dans le cadre de la construction d'un ouvrage. En effet, il peut engager sa responsabilité sur plusieurs fondements, selon le type de dommage survenu.

Les trois garanties légales des articles 1792 et suivants du Code civil :

La réception des travaux constitue le point de départ pour engager la responsabilité d'un constructeur au sens des articles 1792 et suivants du Code civil. A ce titre, il existe trois types de garanties légales qui pèsent sur le constructeur d'un ouvrage :

  • La garantie de parfait achèvement : selon l'article 1792-6 du Code civil, cette garantie, d'une durée d'un an, « s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ». Seul l'entrepreneur est tenu de cette garantie.
  • La garantie de bon fonctionnement ou la garantie biennale : cette garantie permet d'assurer les éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage et ce, pendant un délai de deux ans (article 1792-3 du Code civil).
  • La garantie décennale : cette garantie englobe les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou qui le rendent impropre à sa destination (article 1792 du Code civil). Comme son nom l'indique, le délai pour invoquer cette garantie est de 10 ans.

Dans le cadre de ces trois garanties, la responsabilité du constructeur est présumée. Le maître de l'ouvrage doit uniquement démontrer la présence de désordres et leur lien avec les travaux opérés, sans avoir à apporter la preuve d'une quelconque faute du constructeur. En effet, les articles 1792 et suivants du Code civil établissent un régime spécifique de responsabilité sans faute à l'encontre du constructeur d'un ouvrage.

Ces garanties sont établies par la loi. Par conséquent, le contrat de louage d'ouvrage ne peut les exclure ou limiter leur portée (article 1792-5 du Code civil).

Le constructeur est (partiellement ou totalement) exonéré uniquement dans de rares cas, notamment en cas de force majeure ou en cas de faute du maître de l'ouvrage (article 1792 du Code civil).

Le délai des trois garanties légales citées précédemment ont le même point de départ : la réception des travaux. Cependant, il est concevable qu'un dommage survienne avant la réception des travaux (par exemple : vol de matériaux)

Si un dommage apparaît et que le maître de l'ouvrage a conclu plusieurs contrats avec différents constructeurs et ce, pour la construction d'ouvrages distincts, le maître de l'ouvrage devra alors vérifier quel constructeur était en charge de l'ouvrage endommagé pour engager sa responsabilité (par exemple, C. cass., Civ. 3ème, n°15-28.065, 23 février 2017).

Avant la réception des travaux :

Le délai des trois garanties légales citées précédemment ont le même point de départ : la réception des travaux. Cependant, il est concevable qu'un dommage survienne avant la réception des travaux (par exemple : vol de matériaux).

Le maître de l'ouvrage pourra alors invoquer l'article 1788 du Code civil disposant que « si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, à moins que le maître ne fût en demeure de recevoir la chose ». Par conséquent, le constructeur est celui qui prendra en charge les risques survenus au niveau de sa construction avant la réception des travaux. Il devra donc réparer les dommages occasionnés. Il ne peut donc échapper à cette obligation sauf s'il établit que l'ouvrage était terminé et que le maître de l'ouvrage en avait connaissance.

Le délai de prescription pour agir est de 5 ans, à compter du jour où le maître de l'ouvrage a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (article 2224 du Code civil).

La responsabilité contractuelle de droit commun après la réception des travaux :

Il est possible qu'aucune garantie légale ne soit invocable en raison de l'expiration du délai ou du fait de son inapplicabilité face à un désordre. Toutefois, le maître de l'ouvrage peut toujours invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, au titre du contrat de louage d'ouvrage les liant. Dans ce cas, le maître de l'ouvrage doit apporter la preuve du dommage subi, de la faute du constructeur et du lien de causalité entre le dommage et la faute, pour engager la responsabilité contractuelle dudit constructeur. Ainsi, les règles de droit commun s'appliquent dans cette situation.

Le délai de prescription pour la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur est de dix ans à compter de la réception des travaux, comme pour la garantie décennale (article 1792-4-3 du Code civil).

Toutefois, le délai de prescription est de cinq ans pour les désordres apparus avant la réception des travaux ou en cas de dol du constructeur (article 2224 du Code civil et par exemple, C.cass., Civ. 3ème, n°13-11.184, 25 mars 2014).

De même, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé que lorsqu'un dommage relève d'une des trois garanties légales, le maître de l'ouvrage ne peut invoquer la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur. Il doit agir sur le fondement de la garantie légale concernée ( C.cass., Civ. 3ème, n°86-17.824, 13 avril 1988).

A titre de précision, un tiers peut également engager la responsabilité du constructeur, s'il a été victime d'un dommage. Du fait qu'aucun contrat ne lie le tiers et le constructeur, il s'agira donc de la responsabilité délictuelle de ce dernier qui sera invoquée, régie par les articles 1240 et suivants du Code civil. La charge de la preuve du préjudice subi pèse sur le tiers.

construction immobiliere unlatch

La garantie de livraison dans le cadre de la construction d'une maison individuelle :

Cette garantie ne s'applique que dans l'hypothèse de la construction d'une maison individuelle. L'article L.231-6 du Code de la construction et de l'habitation dispose que cette garantie couvre le maître de l'ouvrage, « à compter de la date d'ouverture du chantier, contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus ».

A cet effet, le constructeur de la maison individuelle est tenu de souscrire à une telle garantie, puisqu'il doit le justifier dans le contrat conclu avec le maître de l'ouvrage (article L.231-2 k du Code de la construction et de l'habitation).

L'article L.231-6 du Code de la construction et de l'habitation détaille la mise en œuvre de cette garantie : lorsque le constructeur est défaillant, le maître de l'ouvrage doit lui adresser une mise en demeure de s'exécuter. Puis, si la situation persiste quinze jours après l'envoi de la mise en demeure, le garant sera alors tenu de prendre en charge la fin des travaux. Il devra alors désigner un autre constructeur afin d'achever ces travaux. Le garant peut être une compagnie d'assurance ou une banque.

La réception des travaux

Aux termes de l'article 1792-6 du Code civil, la réception des travaux est « l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ».

Comme indiqué précédemment, il s'agit du point de départ des trois garanties (parfait achèvement, biennale et décennale) pesant sur un constructeur, suite à la réalisation d'un ouvrage.

La réception est établie contradictoirement : cela signifie que le maître de l'ouvrage et le constructeur doivent tous deux constater qu'il y a bien eu réception des travaux.

En règle générale, le maître de l'ouvrage est celui qui effectue la réception des travaux, pour que cette dernière soit valable. Un tiers peut le faire à sa place. Mais, il doit détenir un mandat qui a été expressément donné à ce titre par le maître de l'ouvrage.

Une réception unique par lots :

La Cour de cassation souligne le fait qu'il doit s'agir d'une réception unique, c'est-à-dire qu'elle ne peut avoir lieu qu'après la réalisation de tous les ouvrages devant être effectués aux termes du contrat de louage d'ouvrage. En effet, ce principe d'unicité de la réception des travaux est rappelé dans un arrêt de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 2 février 2017 (C.cass., Civ. 3ème, n° 14-19.279, 02 février 2017).

Toutefois, il est possible qu'il y ait plusieurs réceptions dans l'hypothèse de travaux multiples. En outre, « la réception partielle par lots n'est pas prohibée par la loi », selon l'arrêt du 16 novembre 2010 de la Troisième chambre civile de la Cour de cassation (C.cass., Civ. 3ème, n°10-10,828, 16 novembre 2010). Ainsi, il peut y avoir une réception par lots, sous réserve que le contrat de louage d'ouvrage le prévoit.

Il faut tout de même rester vigilant car la Cour de cassation a bien précisé qu'une « réception partielle à l'intérieur d'un même lot » n'est pas possible (C.cass., Civ. 3ème, n°14-19.279, 02 février 2017).

Si le procès-verbal ne fait mention d'aucune réserve, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté ces vices apparents et ne pourra donc pas invoquer la responsabilité du constructeur

Les réserves lors de la réception des travaux et le procès-verbal de réception :

Lors d'une réception amiable des travaux, il est indispensable d'être vigilant et de vérifier que le contrat a bien été respecté. Un procès-verbal de réception est établi.

Il existe deux hypothèses lors de la réception des travaux :

Certaines malfaçons ont été relevées par le maître de l'ouvrage. Ces malfaçons correspondent à des défauts apparents de construction ou des désordres constatés. Dans ce cas, il faut impérativement que ces observations soient indiquées dans le procès-verbal de réception, sous forme de réserves. Le constructeur sera alors dans l'obligation de réparer ces malfaçons. Dans le cas contraire, si le procès-verbal ne fait mention d'aucune réserve, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté ces vices apparents et ne pourra donc pas invoquer la responsabilité du constructeur à ce propos (que ce soit sa responsabilité au titre d'une garantie légale ou sa responsabilité contractuelle de droit commun).

Aucun défaut apparent n'a été relevé par le maître de l'ouvrage. Le procès-verbal ne fera alors mention d'aucune réserve.

Par ailleurs, l'article L.231-8 du Code de la construction et de l'habitation précise que si le maître de l'ouvrage n'était pas assisté par un professionnel habilité lors de la réception des travaux, il « peut, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les huit jours qui suivent la remise des clefs consécutive à la réception, dénoncer les vices apparents qu'il n'avait pas signalés lors de la réception afin qu'il y soit remédié ... ». Cette disposition s'applique pour la construction d'une maison individuelle.

A titre informatif, il est envisageable qu'après la réception des travaux, le maître de l'ouvrage constate un désordre caché. De toute évidence, il pourra alors invoquer l'une des garanties légales à l'encontre du constructeur, si le désordre entre dans le champ d'application desdites garanties. Dans cette hypothèse, il faut que le défaut ait été constaté après la réception des travaux. De même, il doit être établi que ce désordre ne pouvait être décelé lors de la réception.

En cas d'usure normale ou d'usage de l'ouvrage, les garanties ne s'appliquent pas (article 1792-6 du Code civil).

Il est à noter qu'en cas de réserves signalées dans le procès-verbal de réception, une partie du prix peut être consignée auprès d'un tiers qui conservera la somme jusqu'à la levée des réserves. Cela permet à l'acquéreur d'obtenir la réparation des défauts constatés mais cela assure également le vendeur d'obtenir la totalité du paiement.

Cette consignation du prix est prévue dans certains cas :

Lors de la construction d'une maison individuelle, un certain pourcentage du prix est exigible en fonction de l'avancée des travaux. Dans l'hypothèse de réserves mentionnées dans le procès-verbal de réception, une somme au plus égale à 5% du prix convenu peut être consignée jusqu'à la levée des réserves (article R*231-7 du Code de la construction et de l'habitation). Le constructeur devra effectuer les réparations.

Lors d'une vente en l'état futur d'achèvement (VEFA), le prix est payé au fur et à mesure de l'avancée des travaux. La consignation du prix est également possible (jusqu'à 5% du prix), lors de la livraison du bien immobilier, en cas de contestation sur la conformité dudit bien avec les prévisions contractuelles (article R.261-14 du Code de la construction et de l'habitation). Le vendeur sera alors tenu de procéder aux réparations pour récupérer le solde du prix.

Dans les autres types de contrats, la consignation doit être prévue dans les stipulations contractuelles. En effet, elle doit résulter d'un commun accord entre les parties.

Les différents types de réception des travaux :

La réception est un acte contradictoire, selon l'article 1792-6 du Code civil. En règle générale, la réception des travaux se fait amiablement entre le maître de l'ouvrage et le constructeur.

Néanmoins, une réception tacite des travaux est concevable. Non prévue dans l'article 1792-6 du Code civil, la jurisprudence n'y est néanmoins pas opposée. Dans ce cas, il faut pouvoir établir que le maître de l'ouvrage faisait preuve d'une « volonté non équivoque » d'accepter les travaux. La Cour de cassation a de ce fait, considéré que la seule prise de possession de l'ouvrage ne permettait pas de prouver qu'il y avait bien eu une réception des travaux (C.cass., Civ. 3ème, n°13-24.947, 06 mai 2015).

Les parties du contrat de louage d'ouvrage peuvent prévoir que la réception des travaux se fera tacitement. Il est toutefois conseillé d'effectuer une réception à l'amiable afin d'éviter un conflit ultérieur sur le bien-fondé de la réception tacite et sur la date à laquelle elle a eu lieu. En effet, le fait qu'il y ait eu réception tacite ou non s'établit au cas par cas.

Par ailleurs, il existe la possibilité d'effectuer une réception judiciaire des travaux. L'article 1792-6 du Code civil dispose à cet effet que la réception « intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement ». Dans l'hypothèse dans laquelle l'une des parties refuse d'effectuer une réception à l'amiable, la réception judiciaire est possible, lorsque les travaux sont en état d'être reçus (C.cass., Civ. 3ème, n°15-27.802, 12 octobre 2017).

La question de l'assurance dans le cadre de la garantie décennale

 

Le maître de l'ouvrage et le constructeur sont tous deux tenus de souscrire à une assurance afin de pouvoir rapidement faire face aux réparations, en cas de dommages.

A cet effet, les articles L.241-1 et L.242-1 du Code des assurances énoncent cette obligation, respectivement pour le constructeur et le maître de l'ouvrage. La souscription à l'assurance est obligatoire dans le cadre de la garantie décennale. Pour le maître de l'ouvrage, il s'agira de l'assurance dommages-ouvrage. Pour le constructeur, celui-ci devra souscrire à une assurance de responsabilité civile décennale.

En cas de conflit entre le maître de l'ouvrage et le constructeur, les parties doivent d'abord tenter de le résoudre amiablement.

En cas de désordres, l'assureur du maître de l'ouvrage prendra en charge le financement pour la réparation des dommages constatés et entrant dans le champ d'application de la garantie décennale. Puis, l'assureur se retournera ensuite contre le constructeur responsable.

Ces assurances expirent conjointement avec la garantie décennale. Pour autant, le point de départ n'est pas le même :

  • Pour l'assurance de responsabilité civile décennale à la charge du constructeur, il s'agira de la réception des travaux.
  • Pour l'assurance dommages-ouvrage à la charge du maître de l'ouvrage, il prendra effet après l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement.

A titre informatif, le maître de l'ouvrage peut toujours former un recours directement contre le constructeur sans activer cette assurance.

En cas de litige :

En cas de conflit entre le maître de l'ouvrage et le constructeur, les parties doivent d'abord tenter de le résoudre amiablement. En effet, l'article 56 du Code de procédure civile dispose que : « sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée […], l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».

A titre informatif, il est préférable que la partie demanderesse envoie une mise en demeure de s'exécuter à l'autre partie, avant de saisir le tribunal compétent. La mise en demeure permet de constater une inexécution contractuelle et d'enjoindre le débiteur d'exécuter ses obligations rapidement. Il est à noter que la mise en demeure n'interrompt pas les délais de prescription, au contraire de l'action en justice (article 2241 du Code civil). Cependant, l'envoi d'une mise en demeure représente une dernière tentative de résoudre le conflit amiablement et peut entraîner plusieurs conséquences, notamment le versement de dommages et intérêts. Pour qu'elle soit efficace, elle doit comporter plusieurs éléments comme l'indication qu'il s'agit d'une mise en demeure.

Si le conflit persiste, les parties disposent de deux possibilités :

  • Si l'affaire est urgente, les parties ne sont pas tenues d'essayer de résoudre leur litige amiablement. La partie demanderesse peut opter pour un recours en référé. Certaines conditions devront être respectées (notamment le caractère « urgent » de l'affaire) pour pouvoir effectuer un tel recours. Le juge pourra ordonner une expertise judiciaire pour constater la présence ou non de désordres. Si le recours en référé n'aboutit pas, une action au fond peut être intentée.
  • Il est également possible d'effectuer une action au fond sans recourir à la procédure de référé. Au contraire du jugement en référé, le jugement au fond dispose de l'autorité de la chose jugée. Cela signifie que lorsque les délais de recours sont expirés (pour faire appel de la décision par exemple), l'objet du litige ne peut plus être jugé à nouveau.

En fonction du montant du litige, le tribunal compétent pour connaître d'un conflit entre un maître de l'ouvrage et le constructeur diffère. En effet, le tribunal d'instance sera compétent, si le montant du litige est inférieur à 10 000€ (articles anciens L.221-1 et L.221-4 du Code de l'organisation judiciaire). Si le montant est supérieur, le tribunal de grande instance sera alors compétent (articles anciens L.211-3 et R.211-3 du Code de l'organisation judiciaire).

Toutefois, en raison de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance fusionneront, à compter du 1er janvier 2020, afin de créer le tribunal judiciaire.

Concernant la compétence territoriale du tribunal, il s'agira de la juridiction du lieu où est situé l'immeuble (article 44 du Code de procédure civile).

unlatch
Zannirah Randera
Juriste chez unlatch
Voir plus d'articles de Zannirah