Tout savoir sur la garantie décennale - Unlatch

Tout savoir sur la garantie décennale

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Zannirah Randera
Juriste chez unlatch
25 novembre 2019
IMMOBILIER
garantie decennale

Le constructeur d'un ouvrage est tenu au respect de trois garanties légales à l'égard du maître de l'ouvrage. Unlatch vous propose de faire le point sur la garantie décennale.

Qu'est-ce que la garantie décennale ?

Définition de la garantie décennale

En vertu de l'article 1792 du Code civil, « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ».

Comme pour la garantie biennale, le constructeur au sens de l'article 1792-1 du Code civil est concerné par la garantie décennale. Elle pèse également sur le vendeur d'un immeuble à construire, selon l'article 1646-1 du Code civil.

La garantie décennale est d'ordre public, ce qui signifie que le constructeur ne peut s'en exonérer, sauf s'il prouve l'existence d'une cause étrangère (articles 1792 alinéa 2 et 1792-2 du Code civil). Par conséquent, une clause contractuelle ayant pour objet la limitation ou l'exclusion de la garantie décennale sera réputée non écrite (article 1792-5 du Code civil).

Le point de départ de la garantie : la réception des travaux

Les trois garanties légales ont le même point de départ : la réception des travaux, l'acte attestant l'acceptation du maître de l'ouvrage des travaux réalisés. La réception peut se faire avec des réserves ou sans (article 1792-6 alinéa 1 du Code civil). Il faut donc une réception des travaux pour que ces garanties puissent jouer.

Le délai de la garantie décennale est de dix ans, comme l'indique son nom (article 1792-4-1 du Code civil).

Le champ d'application de la garantie décennale

L'article 1792 du Code civil met en avant les types de dommages qui sont couverts par la garantie décennale :

les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage

les dommages affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendant impropre à sa destination.

L'alinéa 1 de l'article 1792-2 du Code civil précise que cette garantie s'étend « aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ».

La garantie décennale s'applique donc pour les dommages survenus sur un élément d'équipement indissociable de l'ouvrage, c'est-à-dire « lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage » (article 1792-2 alinéa 2 du Code civil).

La responsabilité du constructeur est présumée. Le maître de l'ouvrage n'est donc pas tenu d'apporter la preuve d'une faute.

Les autres éléments d'équipement, c'est-à-dire ceux dissociables de l'ouvrage, sont concernés par la garantie biennale (article 1792-3 du Code civil). De même, « les éléments d'équipement dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage » ne sont pas couverts par les garanties biennale et décennale (article 1792-7 du Code civil).

La responsabilité du constructeur est présumée. Le maître de l'ouvrage n'est donc pas tenu d'apporter la preuve d'une faute. Mais, il doit démontrer que le désordre signalé est couvert par la garantie décennale, pour pouvoir l'actionner.

Pèse sur le constructeur une obligation de résultat pour la construction ou la rénovation de l'ouvrage faisant l'objet d'un contrat conclu avec le maître de l'ouvrage. A cet effet, il doit impérativement respecter ce qui a été stipulé dans ledit contrat.

A titre d'illustration, la garantie décennale peut par exemple couvrir un effondrement ou encore un défaut d'étanchéité de l'ouvrage. De même, l'article R.111-26 du Code de la construction et de l'habitation liste des exemples de « gros ouvrages », pour la construction d'un immeuble à usage d'habitation. Il s'agit d'une expression utilisée auparavant pour désigner les éléments pouvant entrer dans le champ d'application de la garantie décennale, s'ils subissent un désordre.

Par ailleurs, la Cour de cassation avait considéré qu'un dommage futur pouvait fait l'objet d'une réparation, si « les désordres atteindront de manière certaine, avant l'expiration du délai décennal, la gravité requise de nature à justifier l'application de la garantie décennale » (C. cass., Civ. 3ème, n°16-16.006, 18 mai 2017). La gravité du désordre devra obligatoirement se manifester avant l'expiration de la garantie décennale pour que le maître de l'ouvrage puisse engager la responsabilité des constructeurs sur ce fondement.

La mise en œuvre et les conséquences de la garantie décennale

Pour actionner la garantie décennale, le maître de l'ouvrage devra notifier au professionnel, les désordres constatés, par lettre recommandée avec accusé de réception.

Le constructeur devra alors réparer les désordres signalés. De même, la réparation s'effectue à ses frais.

A défaut d'intervention du constructeur, le maître de l'ouvrage devra saisir le tribunal d'instance (si le montant du litige est inférieur à 10 000 euros) ou le tribunal de grande instance (pour un litige d'un montant supérieur à 10 000 euros) du lieu de situation de l'immeuble. A partir du 1er janvier 2020, le tribunal compétent sera le tribunal judiciaire (juridiction qui fusionne le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance).

Il est essentiel que le maître de l'ouvrage agisse dans le délai de 10 ans. Une fois le délai expiré, il ne pourra plus demander la réparation de dommages de nature décennale.

A titre de précision, une action en justice permet d'interrompre le délai de prescription (article 2241 du Code civil).

Les assurances autour de la garantie décennale 

Que ce soit le maître de l'ouvrage ou le constructeur, ils doivent souscrire à une assurance obligatoire couvrant les dommages entrant dans le champ d'application de la garantie décennale.

L'assurance de responsabilité civile décennale du constructeur

L'alinéa 1 de l'article L.241-1 du Code des assurances dispose que : « toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance ».

Comme l'indique son nom, la durée de cette assurance est de 10 ans à compter de la réception des travaux, tout comme la garantie décennale.

Le constructeur doit justifier au maître de l'ouvrage, de sa souscription à un contrat d'assurance, à l'ouverture du chantier. En effet, la souscription à l'assurance doit se faire obligatoirement avant le commencement des travaux.

Par ailleurs, en vertu de l'alinéa 3 de l'article précité, « tout contrat d'assurance souscrit […] est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance ».

L'assurance dommages-ouvrage du maître de l'ouvrage

Aux termes de l'article L.242-1 du Code des assurances, « toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil ». Le maître de l'ouvrage doit donc souscrire à cette assurance avant l'ouverture du chantier.

L'article précité précise également comment se met en œuvre l'assurance dommages-ouvrage. Le maître de l'ouvrage doit nécessairement effectuer une déclaration de sinistre à son assureur. L'alinéa 1 de l'article L.114-1 du Code des assurances dispose, à ce titre, que « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ». Par ailleurs, en cas de sinistre, ce délai commence à courir à compter du jour où le maître de l'ouvrage en a eu connaissance. Ainsi, une fois que le maître de l'ouvrage a pris connaissance du désordre, il dispose d'un délai de deux ans pour actionner son assurance dommages-ouvrage. A défaut, il peut se voir refuser la prise en charge du dommage.

Une fois qu'il reçoit la déclaration de sinistre, l'assureur dispose alors d'un délai maximal de 60 jours pour informer le maître de l'ouvrage de sa décision de prendre ou non en charge les désordres.

Deux hypothèses se dessinent alors, selon la décision de l'assureur :

Première hypothèse : Si l'assureur accepte la prise en charge des réparations, il doit présenter une offre d'indemnité à son assuré, dans un délai maximal de 90 jours. Ce délai peut être augmenté, en raison de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l'importance du sinistre et sous réserve d'une acceptation expresse du maître de l'ouvrage. Le délai supplémentaire ne pourra pas excéder 135 jours. Soit :

L'assuré accepte l'offre. L'assureur disposera alors d'un délai de 15 jours pour procéder au règlement de l'indemnité.

L'assuré refuse l'offre car il estime qu'elle est insuffisante ou l'assureur n'a pas respecté les délais. Dans ce cas, le maître de l'ouvrage « peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal » (article L.242-1 alinéa 5 du Code des assurances).

Deuxième hypothèse : Si l'assureur refuse la prise en charge des réparations, il doit motiver sa décision. Par la suite, le maître de l'ouvrage devra lui notifier les raisons pour lesquelles les dommages sont effectivement compris dans le champ d'application de la garantie décennale, par le biais d'une lettre recommandée avec accusé de réception.

Par ailleurs, un maître de l'ouvrage peut se voir refuser par un assureur, une souscription à une assurance dommages-ouvrage. Dans ce cas, si les statuts de l'assureur n'excluaient pas la prise en charge des risques en cause, il est conseillé au maître de l'ouvrage de s'adresser au Bureau central de tarification. Il s'agit d'une autorité administrative indépendante qui va « fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance intéressée est tenue de garantir le risque qui lui a été proposé » (article L.243-4 du Code des assurances).

 La garantie décennale ne peut pas jouer sans qu'il y ait eu réception des travaux.

Le point de départ de l'assurance dommages-ouvrage est différent de celui de l'assurance de responsabilité civile décennale et de la garantie décennale. En effet, l'assurance dommages-ouvrage est effective suite à l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement (soit un an après la réception des travaux). Cependant, elle peut également prendre effet dans deux autres cas, aux termes de l'alinéa 8 de l'article L.242-1 du Code des assurances :

Avant la réception des travaux, lorsque le contrat de louage d'ouvrage a été résilié en raison de l'inexécution par le constructeur de ses obligations. Il faut prendre en compte le fait que l'assurance ne couvre que les travaux qui ont mal été effectués par le constructeur. Elle ne prend pas en charge les travaux que ce dernier n'a pas exécutés.

A titre de rappel, la garantie décennale ne peut pas jouer sans qu'il y ait eu réception des travaux, ce qui illustre l'utilité de l'assurance dommages-ouvrage.

Après la réception des travaux, lorsque le constructeur n'a pas exécuté ses obligations.

Le maître de l'ouvrage devra préalablement adresser une mise en demeure à son constructeur défaillant, pour pouvoir faire jouer son assurance dommages-ouvrage dans ces deux situations. Par ailleurs, il faut que cette mise en demeure soit restée infructueuse.

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L'assurance dommages-ouvrage, l'assurance de responsabilité civile décennale du constructeur et la garantie décennale expirent simultanément. Il peut alors en être déduit qu'en règle générale, l'assurance dommages-ouvrage prend effet pour une durée de 9 ans à compter de l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement.

En pratique, l'objectif de cette assurance est de financer les dommages constatés par le maître de l'ouvrage et entrant dans le champ d'application de la garantie décennale, sans avoir à patienter pour obtenir une décision du tribunal relative à la responsabilité de chaque constructeur impliqué.

L'assureur agira ensuite contre les constructeurs et leurs assureurs, impliqués dans la construction de l'ouvrage altéré, afin de se voir restituer les sommes versées pour la réparation des dommages. Il est subrogé dans les droits et actions du maître de l'ouvrage, pour l'indemnité qu'il a payé (article L.121-12 alinéa 1 du Code des assurances).

Cette obligation de souscription s'explique donc par le fait que l'assurance offrira une indemnisation rapide au bénéfice du maître de l'ouvrage, pour les dommages de nature décennale signalés.

Ainsi, le maître de l'ouvrage doit souscrire à une assurance dommages-ouvrage. Toutefois, aux termes d'un arrêt du 29 mars 2000, le propriétaire de l'ouvrage « n'est pas tenu de solliciter la garantie de l'assureur dommages-ouvrage préalablement à la mise en cause des locateurs d'ouvrage (ceux ayant réalisé l'ouvrage) » (C. cass., Civ. 3ème, n° 98-19.744, 29 mars 2000). Il peut donc agir directement contre les constructeurs, sans actionner l'assurance dommages-ouvrage.

Concernant les sous-traitants et les fabricants

Le sous-traitant d'un constructeur n'est pas réputé être un constructeur, puisqu'il n’apparaît pas dans l'article 1792-1 du Code civil. Il n'est donc pas tenu de la garantie décennale et il n'est pas lié contractuellement avec le maître de l'ouvrage. Il doit tout de même respecter les stipulations contenues dans le contrat qu'il a conclu avec le constructeur. En outre, le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de ce dernier.

Le maître de l'ouvrage peut engager la responsabilité délictuelle du sous-traitant, en apportant la preuve d'une faute de celui-ci. Il dispose pour cela, d'un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, pour des « dommages affectant un ouvrage ou des éléments d'équipement d'un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 » (article 1792-4-2 du Code civil).

Concernant le fabricant d'un ouvrage, il est solidairement responsable de la garantie décennale à la charge du constructeur qui a mis en œuvre l'ouvrage qu'il a apporté ou conçu (article 1792-4 du Code civil). A cet effet, aucune clause contractuelle ne peut avoir pour objet de limiter cette solidarité (article 1792-5 du Code civil).

L'articulation entre la garantie décennale et les autres garanties légales

Il existe trois garanties légales qui pèsent sur le constructeur d'un ouvrage, lors de la construction ou la rénovation d'un ouvrage. Comme il a été indiqué antérieurement, le point de départ de chacune d'entre elles est le même : la réception des travaux.

Néanmoins, chacune de ces garanties a une étendue et un délai qui leur sont propres. Elles ne doivent donc pas être confondues.

Concernant la garantie décennale et la garantie de parfait achèvement

La garantie de parfait achèvement ne pèse que sur l'entrepreneur et non sur tous les professionnels impliqués dans la construction, au contraire de la garantie décennale.

De même, la garantie de parfait achèvement permet d'obtenir la réparation de tout type de dommage qui a été mentionné lors du procès-verbal de réception des travaux ou qui s'est révélé pendant l'année suivant ladite réception (article 1792-6 alinéa 2 du Code civil). Sa durée est très courte puisqu'elle est d'un an, à compter de la réception des travaux.

La garantie décennale s'étend uniquement aux désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination (articles 1792 et 1792-2 du Code civil). Ces dommages ne doivent pas avoir été apparents lors de la réception des travaux.

Ainsi, en règle générale, la garantie décennale ne peut pas s'appliquer aux désordres qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception des travaux. En effet, dans un arrêt en date du 16 novembre 2017, la Cour de cassation avait estimé que la garantie décennale ne pouvait être mise en cause pour un désordre réservé et dont les conséquences étaient connues, bien que ce dommage présentait une nature décennale. Seule la garantie de parfait achèvement était donc invocable dans ce cas (C. cass., Civ. 3ème, n°16-24.537, 16 novembre 2017).

Toutefois, il existe des hypothèses dans laquelle la garantie décennale pourrait être activée, dans le cadre d'un désordre réservé ou signalé au titre de la garantie de parfait achèvement. En outre, une forte aggravation d'un désordre qui avait été réservé peut faire l'objet de la garantie décennale, les conséquences et l'ampleur dudit désordre s'étant révélés par la suite. La Cour de cassation avait considéré que la garantie de parfait achèvement n'était pas exclusive de l'application de la garantie décennale (C. cass., Civ. 3ème, n°92-16.533, 12 octobre 1994).

De même, il a été indiqué précédemment que le maître de l'ouvrage doit souscrire à une assurance dommages-ouvrage, au titre des dommages couverts par la garantie décennale. En principe, cette assurance ne s'applique qu'après expiration de la garantie de parfait achèvement. Pour autant, elle peut être mise en œuvre après la réception des travaux, lorsque le constructeur est défaillant (article L.242-1 alinéa 8 du Code des assurances et C. cass., Civ. 3ème, n° 08-14.620 et 08-20.704, 1er décembre 2009). En effet, il est possible que l'assurance soit applicable pour un dommage réservé ou signalé pendant l'année suivant la réception des travaux, si le constructeur ne l'a pas réparé au titre de la garantie de parfait achèvement. Deux critères doivent alors être impérativement réunis :

le maître de l'ouvrage doit avoir préalablement adressé une mise en demeure restée infructueuse au constructeur pour lui demander de réparer le dommage dans le cadre de la garantie de parfait achèvement.

Le désordre doit entrer dans le champ d'application de la garantie décennale.

Pour en savoir plus sur la garantie de parfait achèvement : La garantie de parfait achèvement.

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Concernant la garantie décennale et la garantie biennale

La garantie biennale et la garantie décennale pèsent sur les constructeurs énumérés à l'article 1792-1 du Code civil.

La garantie biennale (aussi nommée la garantie de bon fonctionnement) est invocable pour les éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage (article 1792-3 du Code civil).

Toutefois, il peut arriver que ce soit la garantie décennale qui est en cause et non la garantie biennale. En effet, il a été jugé que « les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination » (C. cass., Civ. 3ème, 16-17.323, 14 septembre 2017). Ainsi, si un élément d'équipement, même dissociable, installé lors de la construction d'un ouvrage, est altéré par un dommage couvert par la garantie décennale, cette dernière aura alors vocation à s'appliquer.

Il en est de même pour l'installation d'un équipement qui, en raison de « sa conception, son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière », était constitutif d'un ouvrage (C. cass., Civ. 3ème, n° 07-20.891, 28 janvier 2009).

Pour en savoir plus sur la garantie biennale : La garantie biennale ou de bon fonctionnement.

La responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur

Il est essentiel de préciser que le maître de l'ouvrage ne pourra pas utiliser le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur, pour demander la réparation d'un désordre couvert par une garantie légale (même si celle-ci est expirée).

La responsabilité contractuelle de droit commun s'applique pour des dommages qui ne peuvent pas être réparés par aucune garantie légale. Il s'agit des « dommages intermédiaires ».

Par exemple, un dommage affectant un élément d'équipement indissociable, qui ne compromet pas la solidité de l'ouvrage ni sa destination, ne dépend pas de la garantie décennale ou de la garantie biennale. En effet, seule sera invocable la responsabilité contractuelle de droit commun (C. cass., Civ. 3ème, n°93-15.233, 22 mars 1995).

L'article 1792-4-3 du Code civil précise que le délai de prescription est de 10 ans, à compter de la réception des travaux.

Puisqu'il s'agit d'un régime de droit commun, le maître de l'ouvrage devra prouver une faute contractuelle du constructeur (ce dont il est dispensé lorsqu'une garantie légale est invocable), un dommage et un lien de causalité entre ces deux éléments.

L'apparition de dommages après l'expiration de la garantie décennale

Il s'agirait de l'hypothèse d'un dommage survenu après l'expiration de la garantie décennale. La responsabilité du constructeur ne peut donc plus être engagée sur ce fondement (article 1792-4-1 du Code civil). Le maître de l'ouvrage pourrait tout de même disposer de certaines actions à l'encontre du constructeur.

Le dol

Le dol constitue l'un des trois vices du consentement cités à l'article 1130 du Code civil. Un consentement est vicié lorsqu'il apparaît que l'un des contractants aurait contracté dans des conditions différentes ou n'aurait pas contracté, s'il avait connaissance du vice. La présence d'un vice du consentement entraîne la nullité du contrat, c'est-à-dire que le contrat est anéanti et est considéré comme n'ayant jamais existé (articles 1131 et 1178 du Code civil).

Aux termes de l'article 1137 du Code civil, « le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

Le maître de l'ouvrage doit apporter la preuve d'une faute dolosive du constructeur, notamment l'intention de ce dernier de nuire (la preuve du caractère intentionnel est essentielle). La responsabilité contractuelle du constructeur pourra alors être engagée. Le délai de prescription est de cinq ans, à compter du jour où le maître de l'ouvrage a découvert le dol (articles 1144 et 2224 du Code civil).

Il existe de nombreuses décisions de justice relatives à l'existence ou non d'une faute dolosive. Il est donc essentiel de s'y référer.

La garantie des vices cachés du droit commun de la vente

La garantie décennale ainsi que les autres garanties, protègent le maître de l'ouvrage des vices cachés et des désordres qui surviennent après la réception des travaux (article 1792 du Code civil notamment).

Peut également intervenir la garantie des vices cachés du droit commun de la vente définie à l'article 1641 du Code civil. Elle permet de garantir un acquéreur face à un défaut caché qui rend la chose vendue impropre à l'usage auquel elle est destinée. Comme son nom l'indique, le vice ne doit pas avoir été connu au moment de la vente.

La Cour de cassation a, en effet, estimé que « l'action en garantie décennale n'est pas exclusive de l'action en garantie des vices cachés de droit commun de l'article 1641 du code civil » (C. cass., Civ. 3ème, 09-13.358, 11 mai 2010). Dans cet arrêt, le délai de 10 ans de la garantie décennale avait déjà expiré.

Toutefois, la garantie des vices cachés de droit commun n'est prévue que lors d'une vente. Elle ne pourra donc pas être invoquée dans l'hypothèse d'un contrat de louage d'ouvrage (qui implique la construction ou la rénovation d'un ouvrage).

La question de savoir si cette garantie est invocable dans le cadre d'un contrat de vente d'immeuble à construire, peut se poser. Cependant, par une décision en date du 29 mars 2000, la Cour de cassation a expressément donné une réponse négative (C. cass., Civ. 3ème, n°97-21.681, 29 mars 2000).

Ainsi, l'acquéreur d'un bien immobilier pourrait possiblement invoquer la garantie des vices cachés de droit commun à son vendeur, s'il peut apporter la preuve d'un défaut caché. Néanmoins, en pratique, peu d'hypothèses permettent de l'appliquer à un dommage survenu après l'expiration du délai de la garantie décennale.

L'aggravation de dommages de nature décennale

Un désordre survenu et signalé pendant le délai de la garantie décennale peut s'aggraver par la suite. La Cour de cassation a estimé que le maître de l'ouvrage pouvait demander la réparation de ce dommage qui a évolué, même si la garantie décennale est expirée (voir par exemple C. cass., Civ. 3ème, n° 98-17.179, 11 mai 2000 et C.cass., Civ. 3ème, n°17-23.190, 04 octobre 2018).

Pour que la demande du maître de l'ouvrage puisse aboutir, le dommage initial doit être de nature décennale et avoir été signalé judiciairement pour réparation, pendant le délai de la garantie décennale. De même, le dommage évolutif doit correspondre à l'aggravation du dommage initial. Il ne peut s'agir d'un nouveau désordre.

L'assurance dommages-ouvrage souscrit par le maître de l'ouvrage

Comme vu précédemment, l'assurance dommages-ouvrage prend généralement effet après l'expiration du délai de la garantie de parfait achèvement et expire au même moment que la garantie décennale. En effet, cette assurance prend normalement fin dix ans après la réception des travaux. Cela suppose donc que la durée de cette assurance est de 9 ans.

Il est possible qu'un dommage apparaisse pendant le délai de dix ans, mais que le maître de l'ouvrage le constate après l'expiration de la garantie décennale. Dans ce cas, il pourrait possiblement mettre en œuvre son assurance dommages-ouvrage. En effet, il dispose d'un délai de deux ans en vertu de l'article L.114-1 du Code des assurances.

Pour pouvoir mettre en cause l'assurance dommages-ouvrage dans cette situation :

  • Le désordre devait être apparu pendant le délai de la garantie décennale.
  • Il doit s'agir d'un dommage de nature décennale.
  • Le maître de l'ouvrage doit avoir constaté ce dommage et avoir agi à l'égard de son assurance, dans un délai maximal de deux ans suivant l'expiration de la garantie décennale.

Il peut alors en être déduit que l'assurance dommages-ouvrage peut être prolongée de deux ans après la fin de la garantie décennale. Elle peut donc prendre fin douze ans après la réception des travaux.

A titre d'exemple, la Cour de cassation avait jugé que « l'assuré dispose, pour réclamer l'exécution des garanties souscrites, d'un délai de deux ans à compter de la connaissance qu'il a des désordres survenus dans les dix ans qui ont suivi la réception des travaux » (C. cass., Civ. 3ème, n° 15-16.688, 19 mai 2016).

Normalement, lorsque le maître de l'ouvrage a actionné son assurance dommages-ouvrage dans le délai de la garantie décennale, l'assureur dispose ensuite d'un recours contre les constructeurs et leurs assureurs (article L.121-12 alinéa 1 du Code des assurances). Néanmoins, dans le cas de figure exposé précédemment, le maître de l'ouvrage pourrait agir jusqu'à deux ans après l'expiration de la garantie décennale à l'encontre de son assureur. De ce fait, ce dernier ne pourra plus être subrogé dans les droits et actions du maître de l'ouvrage. Or, l'alinéa 2 de l'article L.121-12 du Code des assurances prévoit que « l'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur ». L'assureur pourrait donc se prévaloir de cette disposition légale pour être déchargé de sa responsabilité, plus particulièrement lors l'assuré, bien qu'il a agi dans le délai de deux ans, a tardé pour mettre en œuvre son assurance dommages-ouvrage (C. cass., Civ. 3ème, 17-10.010, 8 février 2018).

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